Depuis plusieurs semaines maintenant, le monde semble s’être arrêté, comme suspendu le temps que durera cette crise sanitaire totalement inédite. Dans ce contexte, nous avons voulu donner la parole à un professionnel de santé, médecin généraliste, pédiatre et spécialiste des médecines tropicales dont le cabinet est situé dans la région du Grand Genève.
L’occasion d’avoir son avis sur le pendant et l’après de cette pandémie et notamment sur la définition de ce qu’on appelle « santé globalisée ». Un point de vue enrichissant, qu’en tant que pourvoyeurs d’une santé sans frontières nous sommes ravis de partager aujourd’hui.
1. En tant que médecin généraliste, à quelles typologies de malades touchés par le Covid19 êtes-vous confronté ?
La particularité de ce virus est de toucher tout le monde, quel que soit l’âge, le sexe, le milieu social etc. S’il y a bien sûr des populations plus « à risque » comme les personnes âgées ou ceux ayant des antécédents médicaux, j’ai pu voir ces dernières semaines dans ma pratique quotidienne que nul n’était épargné. J’ai ainsi eu des patients – atteints sous une forme bénigne – âgés de 11 mois pour le plus jeune ,à 70 ans pour le plus âgé, avec une répartition 50-50 entre hommes et femmes. C’est dire si la fourchette est large ! Concernant les profils, certains n’ont aucun « passif » médical à risque, d’autres oui, certains sont plutôt sédentaires, d’autres très sportifs, etc etc. Il n’y donc pas un « profil-patient » type.
2. Quelles évolutions dans les semaines à venir : péjoration/amélioration/stabilisation ?
J’ai constaté à mon cabinet une baisse marquée des cas dès la 2ème semaine de confinement (la 1ère semaine répercutant encore les cas de la période antécédente au confinement), une tendance visible également chez mes confrères et consœurs. Mais malgré ce ralentissement, l’éradication du virus n’est pas encore d’actualité. Ce que nous pouvons dire, c’est que la corrélation entre les mesures strictes en vigueur (mesures barrière, confinement ou semi-confinement) et la baisse du nombre de personnes contaminées est manifeste.
3. Le Covid19, globalisé/international, est totalement inédit. Peut-on dès lors parler d’une médecine elle aussi globalisée via les échanges d’information entre les pays, ou reste-t-on plutôt dans un schéma de prise en charge majoritairement national/étatique (avec chaque pays appliquant des process/ méthodes qui lui sont propres) ?
Dans l’ensemble, chaque pays applique sa propre politique de santé. Cela s’explique notamment par des évolutions différenciées – et différées dans le temps – de la pandémie, mais également par des systèmes de santé qui se démarquent fortement d’un pays à un autre. Si une transversalité existe, celle-ci reste toutefois minoritaire, à l’image des transports de quelques patients de la France vers la Suisse.
4. Quels premiers enseignements pouvez-vous tirer de cette crise sur le plan de la gestion médicale ?
L’un des premiers enseignements est le manque d’anticipation, de préparation et de moyens face à une pandémie. Or, le scénario que nous vivons aurait pu être prévu suite notamment au SRAS de 2003, de la grippe H1N1 de 2009 et autres épidémies récentes. Mais tant que nous n’avons pas été nous-mêmes touchés, il est toujours difficile de se projeter et de prendre les mesures adéquates en amont, au risque de sous-évaluer ensuite la gravité. Or, dans un monde globalisé où les gens voyagent partout et en tout temps, la santé et les risques y liés dépassent les frontières. La préparation est donc devenue vitale, et ce sur tous les plans : logistique, sur le plan de la formation des personnels de santé, sur les capacités en matériel etc.
Le deuxième enseignement est que cette crise est un révélateur des carences dans les systèmes de santé de beaucoup de pays. Un état des lieux post-crise devra être fait afin de tenter de les combler au mieux, pour être prêts non seulement en cas de nouvelle crise, mais surtout pour les urgences médicales quotidiennes hors contexte pandémique.
Enfin, le dernier enseignement est que nous devons toutes et tous travailler aujourd’hui à trouver des solutions pour mettre en place plus d’échanges entre les pays, que ce soit sur les mesures de rapatriement, la recherche médicale, ou encore la communication entre les services de santé et autres acteurs importants. Parce que, encore une fois, si chaque pays a ses particularismes, la santé aujourd’hui est mondialisée !