Selon la dernière étude publiée en 2018 par l’Office Fédérale de la Santé suisse, 85% de la population serait en “bonne santé” (voir graphique ci-dessous). Les guillemets sont de rigueur, car que veut dire “être en bonne santé” ? Comme souvent avec les études, les chiffres ne correspondent pas parfaitement à la réalité. Une réalité que nous avons souhaitée percer un peu plus en détails en questionnant ceux qui sont en première loge : les médecins.
Rencontre avec le Dr Helder Borges, médecin interniste généraliste genevois exerçant à Sion depuis de nombreuses années, qui nous parle de “sa” réalité.
▶️ 85% de la population suisse serait en bonne santé, que pensez-vous de ce chiffre ?
Je dirais qu’il est à nuancer. Il y en effet une différence importante entre l’état de santé et l’état de bien-être. L’état de santé tient en général compte uniquement de votre état physique, là où l’état de bien être est plus englobant avec des indicateurs psychiques, psychologiques, mentaux etc. inclus dans l’équation. Si je vous pose la question, vous direz certainement que vous êtes en bonne santé, mais lorsque l’on affine un peu le trait, la réponse est souvent plus nuancée.
▶️ On a beaucoup parlé d’une prise de conscience de la part des populations de l’importance de la santé mais aussi du bien-être après la période Covid. Est-ce réellement /toujours le cas aujourd’hui ?
Malheureusement … non. Je dirais que comme toute habitude, celles que nous avions avant le Covid sont rapidement revenues, tout du moins c’est ce que je constate chez mes patients. Avec une exception toutefois, la patientèle plus âgée, qui a réellement pris conscience de la notion de “santé” et de risque lié. Ce sont quasiment les seuls à porter le masque, et à continuer à faire attention.
Après, de manière plus large, si l’on s’en tient au bien-être tel que la pratique du sport, le mieux manger, un meilleur équilibre vie pro-perso etc., cela reste un certain “luxe” laissé aux classes moyennes plutôt supérieures, mais même dans cette tranche de la population le sursaut n’a pas non plus été général. En somme, il n’y a pas eu de changements profonds des mentalités post-Covid.
▶️ Quel est le plus grand “mal” de la santé et du bien-être des suisses aujourd’hui ?
On parle beaucoup du mal de dos comme du mal du siècle, mais je rajouterais à celui-ci le stress et l’angoisse qui se retrouvent aujourd’hui dans quasiment 50% des consultations. Si je devais catégoriser, je dirais que les problèmes sociaux économiques interviennent de plus en plus comme des leviers pour consulter, vecteurs manifestes d’un “mal être”, avec des conséquences parfois uniquement mentales, ou mentales et physiques (le mal de dos en est une !). Ces problèmes peuvent être liés à des soucis au travail (mobbing, surcharge etc.) et/ou des soucis dans la vie personnelle (divorce, charge mentale etc.) et génèrent chez les patients un stress, une angoisse qui les poussent à venir voir leur médecin.
C’est pourquoi on ne peut pas seulement parler d’état de santé, mais aussi prendre en compte l’état de bien-être des suisses. Car les deux sont, de plus en plus, liés.
Source graphique : https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/sante/etat-sante.html
Note : Une étude suisse sur la santé est prévue à l’échelle nationale dès 2023. Elle a pour objectif de fournir des informations sur l’état de santé de la population suisse afin de mieux comprendre l’effet de l’environnement, de l’exposition à certaines substances chimiques, du style de vie, de maladies infectieuses (p.ex. Covid-19) et de certaines prédispositions sur la santé. Informations ici : Etude sur la santé – 2023